Publication: Les politiques de logement alternatives en Amérique Latine et dans les Caraïbes
Un pas de plus dans le processus de construction de la Voie Urbaine et Communautaire vers un Pacte Social Urbain alternatif
Les politiques foncières et du logement mises en œuvre en Amérique Latine et dans les Caraïbes, basées sur le rôle facilitateur et subsidiaire de l’État par rapport à l'initiative privée, ont subi un échec patent dans tous les pays de la région, où malgré la croissance économique, le déficit de logements s'est aggravé d'année en année, touchant principalement les populations les plus démunies. Récemment, conscients de cet échec, les organismes multilatéraux ayant encouragé de telles politiques ont testé diverses formules afin de corriger la situation. Sans succès, car celles-ci ne s'attaquent pas aux causes fondamentales du problème du logement. La présente étude de l'Alliance Internationale des Habitants examine quelles sont ces causes et indique la manière dont elles doivent être abordées pour s'attaquer au problème avec quelques chances de succès. Entendu que s'il est nécessaire d'analyser chaque problème dans son contexte concret, il convient de partir d'une nouvelle approche pour enrichir l'analyse et cerner des solutions viables. Dans cette optique, l'Université Populaire Urbaine (UPU) propose de réfléchir sur les pratiques sociales alternatives qui favorisent la construction d'un savoir collectif capable d'aiguiller les politiques publiques. La première étape, pour l'AIH et les organismes convergeants dans la construction de la Voie Urbaine et Communautaire, est de redéfinir la notion de "logement", un travail qui doit permettre d'établir l'objectif des politiques, les priorités et les stratégies les plus appropriées.
Synthèse de la proposition (chapitre III):
ORIENTATIONS POUR UNE POLITIQUE ALTERNATIVE
APPROCHE GÉNÉRALE
1. Signification multiple ou polysémique du logement
Il n’y a pas une seule mais plusieurs manières d’appréhender le logement. Le logement n’est pas seulement un bien pouvant être échangé: c’est aussi un investissement dans le développement humain, indispensable à une nation et un droit humain inaliénable. Nous tous êtres humains avons besoin d’un lieu où habiter et nous développer avec nos familles, qui nous offre protection et sécurité, qui soit sain, qui nous confère une appartenance et nous permette de développer des liens sociaux.
2. Le logement comme problème complexe
Le logement est constitué d’une multiplicité d’éléments qui se modifient en permanence en interagissant (émergence). Ces changements peuvent affecter tout le reste, ce qui a pour conséquence des situations qui ne sont pas complètement prévisibles (incertitude).
3. Le logement comme problème pluriel
Quelques unes des typologies développées nous permettent d’envisager les différentes manières dont le problème peut s’exprimer:
Logements établis sur des zones à risques.
Etablissements affectés par l’activité minière.
Quartiers sous la menace d’expulsions liées à la réalisation de grands projets routiers ou d’équipement.
Logements surpeuplés.
Logement rural vétuste.
Occupations établies ou ré-établies en périphérie urbaine.
4 . La production sociale de l’habitat
La production sociale de l’habitat est une dynamique réelle qui repose basiquement sur la construction pas à pas, selon des modalités et méthodes diverses, qui intègre des processus productifs mobilisant d’importants moyens économiques et impliquant les habitants, leurs familles, leurs économies et leur entourage. La production sociale de l’habitat prend en compte les besoins spécifiques de chaque famille.
5. La nécessité de politiques publiques centrées sur l’intérêt des personnes
Il est essentiel de concevoir des instruments permettant de s’attaquer à la mauvaise qualité du logement en proposant des solutions qui aient pour objectif d’améliorer la qualité de vie des personnes et de renforcer les communautés d’habitants. Les outils techniques doivent être définis en considérant que le logement est un droit et que les habitants sont les bâtisseurs des villes.
OBJECTIFS D’UNE POLITIQUE DU LOGEMENT PENSÉE EN FONCTION DES PERSONNES
Le logement essentiellement compris comme un droit humain et un outil au service du développement humain, l’objectif d’une politique du logement pensée en fonction des personnes doit être de garantir l’existence de conditions d’habitabilité adéquates pour toute la population.
STRATÉGIE
Principes directeurs
L’approche générale nous permet de dégager quelques principes directeurs basiques:
- Les politiques doivent être systémiques.
- Il n’y a pas de réponses univoques.
- L’accent doit être mis sur les besoins et l’opinion des usagers.
- L’ensemble des solutions à fournir ne peuvent être laissées au seul marché.
- Il est nécessaire d’impliquer tous les acteurs en prenant en compte la nature polysémique, complexe et plurielle du logement.
- Il faut traiter les problèmes de logement à partir de typologies adéquates.
- Il est nécessaire de donner la priorité aux situations et aux familles les plus vulnérables.
Eléments de la stratégie
- Affirmer l’intégralité et la progressivité: Des solutions pour l’ensemble du pays, capables d’englober de manière flexible tous les cas de figure, en donnant la priorité aux populations les plus démunies, et en général aux populations qui souffrent de mauvaises conditions de logement dans les quartiers populaires et les zones rurales.
- Mettre l’accent sur la nature principalement qualitative du problème du logement afin d’améliorer les conditions d’habitabilité de la population, en planifiant et en prévoyant les besoins futurs de logements.
- Contextualiser de manière adéquate le problème du logement, en tenant compte de sa diversité et de sa complexité. Les situations concrètes varient d’une localité à une autre, et le problème du logement est relié à des variables économiques, culturelles et environnementales qui doivent être prises en considération.
- Soutenir les initiatives en cours , et créer les conditions favorables à leur succès. Il y a des expériences importantes qui recèlent une grande richesse de connaissances, qui ont démontré leur viabilité, et doivent être prises en compte.
- Donner la priorité aux zones de pauvreté: les délimiter à partir d’indicateurs adéquats mesurés entre autres par des indices de revenus, de santé, d’éducation et de logement.
- Etant donnée la complexité de la situation il est nécessaire d’impliquer divers acteurs publics, privés et communautaires.
- Territorialiser les solutions et mettre en œuvre les plans d’action locale: le problème du logement étant complexe et pluriel, il doit être abordé en fonction de chaque réalité et situation concrètes. Une localité doit disposer d’un plan logement qui envisage , entre autres aspects:
a) l’amélioration des logements édifiés dans de mauvaises conditions ;
b) le déficit quantitatif et la demande annuelle prévisionnelle ;
c) les besoins de réinstallation des familles en situation de risque ;
d) l’amélioration urbaine du quartier et
e) la régularisation de la propriété quand cela s’avère nécessaire.
Ce travaille nécessite des outils :
- Une banque foncière capable de fournir des terrains à urbaniser et éviter la spéculation;
- La participation active des municipalités de district et régionales dans le contrôle urbain en particulier pour faire face au trafic de terrains;
- Une législation qui facilite les processus de planification et de développement urbain et rural;
- Des équipes d’appui technique, urbanistique et juridique qui conseillent la population sur le terrain.
- Donner de la soustenabilité à la politique:
- Mettre en œuvre les programmes annuels de logement pour éviter que le déficit se creuse;
- Avancer dans la perspective de vaincre la pauvreté et l’iniquité dans la distribution des revenus;
- Attribuer aux programmes un soutien institutionnel adéquat.
- Définir les modes de gestion adéquats.
- Garantir les moyens nécessaires:
- Redéfinir au sein du budget de l’Etat la distribution des allocations par secteurs (p. e. le montant du service de la dette extérieure ou de l’achat d’armements).
- Déterminer les montants qui doivent être alloués pour faire face à la rareté du logement, en collaboration avec les autorités locales, les organisations d’habitants, les coopératives et favoriser le logement populaire par des concessions de terrains, des exemptions fiscales, la valorisation de la construction en termes fiscal et de retraite, etc.
- Prendre en compte l’utilisation d’autres ressources telles que les transferts de fonds provenant de l’étranger.
- Réassigner l'allocation des fonds afin de rendre la progressivité effective (un logement pour celui qui possède le moins) et traiter la nature principalement qualitative du problème du logement.
- Récupérer les plus-values générées par les décisions administratives et les investissements des organismes municipaux.